« Nous ne serons pas les bouffons de la Startup Nation ! »

Manifeste du collectif OSEF — Opposition à la Startupisation de l’Économie Française


Partout, dans les discours des dirigeants et des éditocrates, le vocabulaire des startups s’impose. Dans les administrations, dans les services publics, dans les universités, dans les entreprises et jusque dans le monde associatif, l’« open innovation disruptive » et les « méthodes agiles » de la Silicon Valley tiennent lieu de nouveau paradigme gestionnaire. On nous jure que, grâce aux « corporate hackers » et autres transfuges du « digital », il serait désormais possible de « changer le système de l’intérieur », de « libérer les énergies ».

 

Derrière cette énième incarnation de vieilles rengaines technocratiques, c’est en fait l’intensification des funestes logiques néo-libérales qui est à l’œuvre. Les promoteurs de la « Startup Nation » entendent légitimer un ordre social injuste, poussant à une précarisation toujours plus grande du travail, à la marchandisation des sciences et des savoirs. Ils ravalent la notion d’intérêt général à la seule efficacité économique, œuvrant à la mise en compétition de tous contre tous pour faire entrer le calcul dans les moindres recoins de nos vies quotidiennes.

 

Afin d’attirer les flux financiers internationaux sur le territoire, le projet de « Startup Nation » conforte le rôle des grandes multinationales des technologies au cœur de l’économie, et légitime leurs modèles économiques fondés sur la surveillance. Peu à peu, se construit un horizon ultratechnologique où l’asservissement des femmes et des hommes par le biais des machines – à force d’ubérisation, de robotisation, de gouvernance algorithmique, de contrôle – doit permettre d’endiguer l’effondrement d’un modèle de société à bout de souffle, sur fond de crise environnementale sans précédent.

 

Pour parvenir à leurs fins, les « technocrates 3.0 » nous dépossèdent de notre vocabulaire, s’approprient nos aspirations communes et, ce faisant, parviennent à recruter de nouveaux adeptes qui le plus souvent ne pensent pas à mal. Mais nous ne sommes pas dupes : renommer l’infamie pour la déguiser de « cool » ne change en rien sa nature, faite de domination, d’exploitation, de logiques sécuritaires.

 

Contre la marchandisation et la technologisation de tout, nous continuerons de faire proliférer les espaces de simplicité, d’autonomie, de don et de partage. Contre l’artificialisation des relations, nous démultiplierons les solidarités sincères. Contre l’anéantissement de la politique, nous userons de nos libertés pour faire foisonner les alternatives. Nous ne serons pas les bouffons de ces « startufferies ».