Les associations peuvent-elles devenir des start-up (sans perdre leur âme)?

Cet article a été publié sur France Inter le 18 janvier 2018. Il témoigne bien de la volonté de l’État d’œuvrer à la startupisation du secteur associatif et militant, et du renoncement de certains de ses acteurs et autres porte-paroles auto-proclamés.

Le gouvernement lance son « accélérateur d’innovation sociale », baptisé « French Impact » pour aider au démarrage d’associations solidaires et sociales. Au cœur de ce nouvel outil : l’ouverture à des financements privés, modèle qui inquiète alors que le tissu des associations subventionnées est toujours plus fragilisé.

Après la baisse annoncée des contrats aidés, le gouvernement lance officiellement un « accélérateur national d’innovation sociale », baptisé « #French impact », et utilisable par des associations, fondations, coopératives et autres entreprises ayant développé des actions « au service de l’intérêt collectif ».

Traduction : cet « accélérateur d’innovation sociale » est une sorte d’incubateur associatif, qui a vocation à aider au démarrage d’associations locales (notamment sur les questions d’emplois) mais qui ouvre surtout le financement de ces associations à des fonds privés.

Pour Christophe Itier, Haut-commissaire à l’ESS et à l’innovation sociale, qui présentait ce jeudi au ministère ce nouvel outil devant devant plusieurs acteurs du secteur en compagnie du ministre Nicolas Hulot, « Le French impact sera la nouvelle bannière de l’économie sociale et solidaire, et plus largement de tous les acteurs de l’innovation sociale. »

Cette économie, c’est un des facteurs de compétitivité et d’attractivité du pays, au même titre que la French tech

Dans un premier temps, un appel à projets est lancé afin de sélectionner 10 à 15 entreprises qui constitueront la « vitrine » du « French impact », et bénéficieront d’un accompagnement spécifique pour se développer. Les lauréats seront annoncés en mars.

Financement en mode « Start-up »

Encouragé par le gouvernement, ce modèle stratégique basé sur des financements privés, comme des levées de fond auprès de mécènes, mais ne fait pourtant pas l’unanimité. L’évolution inquiète par exemple le Collectif des Associations Citoyennes, qui représente de nombreuses petites structures, et qui participe au groupe de travail lancé par le gouvernement, sur l’avenir justement du tissu associatif. Jean-Claude Boual, son porte parole :

On est dans une philosophie complètement contradictoire avec la tradition associative de notre pays. On diminue les subventions, et en même temps, on va vers la disparition de beaucoup de petites et moyennes associations de notre pays

En face, Christophe Itier est formel : « Le modèle basé sur le principe de l’État-providence est à bout de souffle ». Quand certains dirigeants d’associations, eux, y trouvent leur compte, comme Boris Walbaum, à la tête d' »Article 1« , association spécialisée dans le parrainage et l’accompagnement vers l’emploi de jeunes venant de quartiers populaires.

J’assume d’être une start-up sociale. La difficulté sur laquelle bute beaucoup d’associations, c’est de ne pas pouvoir se déployer en recourant à une démarche commerciale

►Écouter | « J’assume d’être une start-up sociale »  : Le reportage de Claire Chaudière dans le milieu des associations de l’économie solidaire

Miser sur les associations locales

Début mars, doit par ailleurs être lancé un appel à candidatures, visant à accorder le label « French impact » à des structures d’accompagnement de projets (ruches, incubateurs …). Des fonctionnaires dans chaque ministère et en région auront pour mission de simplifier les démarches administratives et financières des innovateurs sociaux.  Quelques territoires pilotes, urbains et ruraux, doivent expérimenter la démarche au deuxième semestre, avant un déploiement sur l’ensemble du territoire en 2019.